L’homme nait bon, la société le corrompt, cette phrase de Rousseau (1712/1778) nous ramène au présent : ce sujet est souvent proposé au baccalauréat, où il s’agit d’exposer diverses théories de philosophes apprises par cœur, sans réelle réflexion personnelle (thèse, antithèse, synthèse).
Dans la vie c’est une autre paire de manches ! Plus on voit du monde , plus on s’aperçoit qu’on est utilisé pour ses compétences, sollicité par intérêt, souvent sans recevoir le moindre remerciement. Ceci attriste, rend agressif, et amer, jusqu’à ce qu’on vous renvoie cette idée d’égoïsme et même de masochisme, dans un monde où tout se vaut, du moment qu’on en profite, où tout sentiment humain a été salit, foulé aux pieds.
Actuellement, on assiste à des massacres au nom d’intérêt des états, manipulés par d’autres états. Ceci n’est pas l’Être humain, on inverse les valeurs altruisme et égoïsme.
Les philosophes utilitaristes , comme le sociologue Auguste Comte*, ont introduit cette idée au XIXem siècle : l’altruisme est-il de l’égoïsme caché ?
Cette idée a infiltré notre société et permet de se servir des autres comme moyens et nom comme fin (ne jamais tenir autrui pour un moyen mais toujours pour une fin en soi, a écrit Kant), à savoir les utiliser, sans tenir compte de leur humanité. La résistance de ceux-ci, d’ailleurs, nous mène a être remplacé par des robots et l’IA sous prétexte de progrès et d’évolution, mais surtout par souci du profit, le pire étant qu’on annihile les capacités de nos enfants , en prétextant améliorer leurs conditions de vie.
Quelles sont les manipulations intellectuelles qui nous ont mené là ?
« Pour certains, l’altruisme pur, vrai, sans arrière-pensées n’existe pas. Ce ne serait que de l’égoïsme déguisé, la réalité de l’altruisme étant niée…
« Ainsi, le sociologue américain Peter Blau (1918-2002), qui définissait la théorie de l’échange social ,comme un échange où l’un des deux partenaires peut s’engager sans connaître exactement la contrepartie qui lui sera proposée, affirmait : » Un apparent altruisme imprègne la vie sociale, les gens sont désireux de faire du bien et de rendre la pareille, mais sous ce désintéressement apparent, on peut découvrir un égoïsme sous-jacent : la tendance à aider les autres est souvent motivée par l’attente, qu’agir ainsi procurera des bénéfices sociaux. »
« D’autres, et notamment divers psychanalystes, donnent également à ce comportement une connotation négative. Selon Anna Freud et Martha Freud , fille et sœur de Freud, les personnes qui se dévouent aux autres le font par masochisme (face à Freud, qui les a utilisé toutes les deux, elles ne pouvaient que penser cela).
« Ce fut également le cas des sciences humaines, qui jusqu’à la fin du XXem siècle, sont restées imprégnées de cette théorie, qualifiée d’ égoïsme psychologique , selon laquelle toutes les actions humaines, même les plus altruistes, sont en dernier ressort motivées par des désirs égoïstes. Ceux qui croient agir pour le bien d’autrui cherchent à se tromper eux-mêmes, pour se donner bonne conscience. »
Pour certains, l’altruisme pur, vrai, sans arrière-pensée n’existe donc pas…On voit ce que cela donne !
Qu’en penser ?
« Depuis quelques années, des chercheurs tentent de savoir via l’expérimentation, si oui ou non , l’altruisme pur existe. Le débat s’est surtout centré sur les travaux de Daniel Batson, de l’Université du Tennessee : l’empathie ressentie pour une personne en difficulté conduit généralement à l’aider. Mais cela ne dit rien sur la cause de la motivation… Selon D. Batson, il existe de nombreux cas où des personnes en aident d’autres, sous l’effet d’une motivation réellement altruiste. Plusieurs expériences visant à tester les deux hypothèses ont globalement confirmé la théorie : il existe bien un altruisme pur : ce n’est pas pour se sentir bien (ou moins mal) que l’on aide un individu, mais vraiment pour améliorer le bien-être d’autrui. »
« Selon Dale Miller, de l’Université Stanford, et Rebecca Ratner, de l’Université du Maryland, nous vivons sous l’emprise d’une norme sociale d’intérêt personnel , qui consiste à affirmer que les individus sont motivés par l’intérêt personnel, et surtout qu’ils doivent l’être et aucune motivation n’est considérée plus normale que l’intérêt personnel.
Miller pose cette question : » comment se fait-il que les gens en arrivent à adopter la théorie de l’intérêt personnel, alors que la vie quotidienne fournit si peu de preuves de cela ? Cette idée est aujourd’hui si répandue dans la société que beaucoup craignent d’être perçus négativement, s’ils affirment agir au nom de valeurs personnelles telles que l’altruisme ou l’empathie. » En bref, selon moi, revendiquer d’être égoïste, est aujourd’hui une des formes les plus répandues du discours éthiquement correct. Discutant avec des personnes impliquées dans une activité sociale ou humanitaire, j’ai parfois entendu certaines me dire : Mais vous savez, en fait, je l’ai fait par pur égoïsme. C’est parce que ça me plaisait de le faire ». Personnellement je pense que c’est par humilité ou peur d’être moqué.
« Cette vision essentiellement occidentale, a été répandue par les économistes qui ont adopté le concept d’Homo economicus – un individu essentiellement égoïste – pour décrire l’être humain. »
En fait, les économistes, comme les autres, ont tendance à projeter leur fonctionnement personnel sur l’ensemble de l’humanité.
Plusieurs expériences d’économie expérimentale ont montré que les étudiants en économie, ont des comportements plus égoïstes que les autres. Cela est dû à deux processus : d’une part, il y a un effet de sélection – les jeunes qui se lancent dans des études d’économie sont au départ plus égoïstes que les autres, ce que l’on constate en comparant les résultats menés auprès d’étudiants de première année, dans diverses disciplines, dont l’économie, d’autre part, il y a un effet d’apprentissage – la rhétorique développée dans les cours d’économie rend les étudiants , de plus en plus égoïstes, au fil des ans. »
« Cette vision n’est pas universellement partagée. De nombreuses cultures traditionnelles pensent que l’être humain est avant tout un être social et coopératif. Dans le Sud de l’Afrique, le terme Ubuntu signifie bonté naturelle, sentiment d’une commune humanité, générosité, gentillesse, grandeur d’âme.
En d’autres termes, être humain, c’est être bon. Un proverbe sud-africain dit : » Un être humain est un être humain au travers des autres êtres humains « .** L’Ubuntu a été au cœur de la démarche de réconciliation initiée par Nelson Mandela ». Cela a été également adopté au Rwanda et après la guerre de 1945 : voir le film Si tout les gars du monde de Christian Jacques, de 1956 qui prônait le vivre ensemble et la solidarité.
Diverses expériences ont montré que cette théorie n’est pas fondée et qu’il existe bien un altruisme pur ; on a fait des expériences avec de très petits enfants (même avant la marche), qui instinctivement se portaient au secours de l’un d’entre eux si on le frappait (documentaire à l’appui).
Seule une éducation agressive – pour réussir dans la vie – prônant la compétition, l’utilisation des armes, porte un enfant à devenir vindicatif, ce qui actuellement se rencontre malheureusement de plus en plus, dans un monde de plus en plus compétitif.
Si l’homme vit en groupe avec des intérêts à le faire , c’est sa nécessité, et sa nécessité est d’adhérer au groupe avec son âme, c’est tellement vrai que religion signifie relier. Mais la science ne croit pas en l’existence de l’âme !
« Pourtant ce n’est pas pour se sentir bien (ou moins mal) que l’on aide un individu, mais vraiment pour améliorer le bien-être d’autrui. Contrairement à ce que certains soutiennent, il existe des comportements purement altruistes, indépendants de toutes pensées égoïstes. »
La vision que donne l’astrologie humaniste est philosophiquement orientée vers le beau et le bien, et nous propose d’aller vers la finalité d’une existence réussie dans sa globalité, et non pas seulement dans le monde du travail pour gagner de l’argent, être puissant, quitte à nuire à autrui.
Les divers penseurs qui fondent nos sociétés étaient eux-mêmes des hommes fragiles, déterminés par leur vie familiale, soumis à des pressions, et qui ont projeté leur propre vision individuelle, pour en faire des dogmes aussi nuisibles que d’autres, dont on nous a rabattu les oreilles depuis des millénaires. Il faut donc faire la part des choses, avant qu’il ne soit trop tard et, que nos idéaux soient éteints définitivement par la violence du progrès (armes de plus en plus performantes).
Si l’homme ne nait pas forcément parfait du fait de des tendances latentes de ses ascendants, il peut tendre à s’améliorer par une éducation, qu’autrefois on appelait morale et civique.
Pour conclure, je dirais que l’homme est à la recherche du bonheur et que son bonheur ne peut venir de la raison, mais qu’ il vient d’une réalisation pleine de lui-même, non pas dans l’au-delà, mais ici- bas, donc en faisant le bonheur autour de lui.
Lire aussi La force de la bienveillance , Plaidoyer pour l’altruisme , de Matthieu Ricard
*Auguste Comte : « le positivisme sociologique est un évolutionnisme par la science. Pour le positivisme, le progrès de l’humain est tel que toute chose peut être expliquée par les découvertes des six sciences fondamentales : chimie, physique, biologie, mathématique, astronomie, sociologie.
« La conception de Comte questionne une notion chère aux penseurs des Lumières, celle de l’autonomie, qui consiste en l’aptitude de tout homme à se donner sa propre loi, disant que ce qui fonde la morale, ce n’est pas l’universalité supposée de l’objet de mon amour, autrui, l’humanité, une universalité qui serait en fait est une généralité vague , car l’amour préconisé serait difficile à mettre en œuvre, dans la mesure où l’on a affaire qu’à des individus particuliers. Je poursuis en mettant au conditionnel : ce qui fonderait la morale selon Comte, est une loi universelle, une loi qui s’imposerait rationnellement à ma raison, et qui me commanderait catégoriquement.
L’homme n’agirait pas seulement selon des lois physiques, biologiques ou psychologiques, il agirait par la représentation de lois, par la détermination de son action en vertu d’une règle qu’il se donnerait…. dans le cadre du droit.
Cette loi morale commanderait à tout les êtres raisonnables sans exceptions, car tous sont aptes à se donner cette loi pour maxime de leur action. La morale ne relèverait donc en rien de telle ou telle disposition psychologique, elle ne suivrait pas les variations du cœur, car elle serait déterminée non pas par le comportement , mais par la norme universelle qui doit commander l’intention.
**quid de la pensée de Jésus Christ, prophète de l’amour, qui bien que bafouée par ceux qui devaient l’honorer, a quand même imprégné la société qui lui succédé. Exemple : Ravaillac un catholique fanatique a des visions. En 1609, l’une d’elles lui ordonne d’aller convaincre le roi de convertir les protestants au catholicisme. Puisqu’il n’arrive pas à rentrer en contact avec le roi, il planifie son meurtre.. Au XVIem siécle, le tyrannicide serait redevenu légitime à l’occasion des guerres de religion, dans le camp protestant comme dans le camp catholique. Et depuis…
nota : j’ai pioché dans ref : http://cafe.philo.bourg.free.fr/plusloin/200801_altruisme_omaret.html
http://www.psychologie-positive.net/IMG/pdf/L_altruisme_est-il_de_l_egoisme_cache.pdf
Merci pour cet article très intéressant, vaste sujet qui selon les approches pourrait faire de nombreuses pages.
« Pourtant ce n’est pas pour se sentir bien (ou moins mal) que l’on aide un individu, mais vraiment pour améliorer le bien-être d’autrui. Contrairement à ce que certains soutiennent, il existe des comportements purement altruistes, indépendants de toutes pensées égoïstes. »
Je penche également pour cette analyse. Je rajouterais, lorsqu’un individu s’inscrit dans dans une démarche d’aide, de soutien à l’autre dans un cadre personnel ou collectif, cela permet à la personne de «grandir », de mettre son ego en veille. Il est bon de « s’oublier » parfois.
Les crises actuelles sont multiples et nous alertent sur une fin de civilisation. Nous avons oublié que la vie est changement, nous sommes face à une nouvelle poussée évolutive.
« Mais la science ne croit pas en l’existence de l’âme ! »
Cela me fait penser à la réflexion de Teilhard de Chardin, quelques extraits :
« Dans les deux cas, par excès d’admiration ou défaut d’estime, l’Homme reste flottant au-dessus, ou rejeté en marge de l’Univers, – déraciné ou accessoire-. Celui qui fait la Science reste en dehors des objets de la Science. Ceci est la source de toutes nos difficultés intellectuelles et morales présentes. Nous ne comprendrons jamais ni l’Homme ni la Nature si, conformément à ce que nous crient les faits, nous ne replongeons pas complètement (mais sans le détruire) l’un au coeur de l’autre… L’Homme est né de la Terre. »
« Par suite d’une illusion psychologique très naturelle, la grande science moderne est née et s’est développée sous le signe exclusif de l’Objet. Penchés sur la Matière et la Vie, physiciens et biologistes ont toujours opéré jusqu’ici comme s’ils fussent émergés et indépendants du Monde dont ils cherchaient à fixer les éléments et les lois. Depuis longtemps, Kant (et, en fait, avant lui, la Scolastique) avaient bien signalé les liens qui, à l’intérieur de tout Univers, font indissolublement solidaires le percevant et le perçu. Mais cette condition fondamentale de la connaissance n’inquiétait que les rares et peu abordables adeptes de la métaphysique. Pour les curieux de la Nature, il semblait établi, sans discussion, que les choses se projettent sur nous « telles qu’elles sont » sur un écran où nous pouvons les regarder sans y être mêlés. Les savants contemplaient le Cosmos sans soupçonner qu’ils puissent l’influencer à aucun degré par le contact de leur pensée ou de leur sens, sans avoir conscience même d’appartenir intrinsèquement au système qu’ils s’émerveillaient d’analyser. L’Homme d’un côté, et de l’autre, le Monde. Il semble que, pour des raisons décisives et internes, nous commencions à sortir aujourd’hui de ce naïf extrinsécisme. »
« A partir de l’Homme, et en l’Homme, l’Evolution a pris d’elle-même une conscience réfléchie. Elle peut désormais reconnaître, dans une certaine mesure, sa position dans le Monde, choisir sa direction, refuser son effort… Ces conditions nouvelles ouvrent sur Terre l’immense question du Devoir et de ses modalités. Pourquoi agir, – et comment agir ?-. »… Nous devons agir, et de telle façon, parce que nos destinées individuelles relèvent d’une destinée universelle »
Le Monde ne peut pas fonctionner sans produire des vivants, de la nourriture, des idées, mais sa production dépasse, de plus en plus évidemment, son pouvoir de consommer et d’assimiler… Le Monde, en croissant, est-il condamné à mourir automatiquement sous l’excès de son propre poids ?
« Non point, répondrons-nous : mais il est en voie de ramasser en soi les éléments d’un corps supérieur et nouveau. Toute la question, en cette crise de naissance, c’est que promptement émerge l’âme qui, par son apparition, viendra organiser, alléger, vitaliser, cet amas de matière stagnante et confuse. Or cette âme, si elle existe, ne peut être que la « conspiration » des individus, s’associant pour élever d’un nouvel étage l’édifice de la Vie. »