L’incompréhension de l’entourage proche lors de la dépression d’un être aimé est immense. La première réaction de l’entourage, disons du conjoint, c’est l’incompréhension.
La dépression peut surgir lors d’un deuil, de la perte de travail, de la mise anticipée à la retraite, de la perte d’une illusion qu’on a entretenu et qu’on ne verra peut-être jamais se réaliser : là on a une explication connue.
Dans tous les cas, le partenaire s’il ne fait pas partie de l’événement (un deuil qui n’est pas commun), ne comprend pas.
S’il comprend, il perd assez vite patience, en trouvant que son compagnon manque de résilience, ne vit pas dans le réel, etc.
Il se sent floué, trahi, parce que lui ne juge pas la situation suffisamment mauvaise pour que l’autre se laisse démolir moralement et physiquement. Disons-le, c’est une réaction totalement égocentrée de sa part. « ça suffit, ça a assez duré, ça n’en vaut pas la peine, on en a parlé et reparlé, etc ». Il faudrait que les choses reprennent où elles en étaient avant : ce n’est pas possible, quelque chose est brisé chez l’autre.
Le partenaire n’y est pour rien, il n’est pas responsable, il ne peut rien faire, juste accompagner. Souvent, il se lasse : il est là, il assiste impuissant, il pense qu’il devrait remplir tout l’univers de l’autre, que son amour est suffisamment grand, fort, qu’il n’y a que ça qui compte. Pourtant non, l’autre continue à bouder son plaisir d’avoir la chance de vivre avec lui (elle). Et encore une fois, d’une façon égocentrée, il se dit qu’alors il ne sert plus à rien, qu’il s’est peut-être illusionné pendant des années en pensant être « tout » pour l’autre. En fait, il ne reconnait pas l’identité de l’autre, le prenant pour son objet, sa chose.
Que ceux qui n’ont jamais connu cet amour, les cyniques, ne rient pas : il y a des couples fusionnels, et c’est là que c’est très violent. Il faut un certain temps pour comprendre que l’autre n’est pas « je », que la dépression est une vraie maladie, qu’elle a des racines dans l’inconscient, dans la désillusion, dans un manque qui s’est produit, souvent au niveau de la mère qui a déçu, fait mal, trahie, abandonné, que c’est gravé là, et que ça remonte insidieusement : « maman m’a fait mal, maman ne m’aimait pas, maman ne se contentait pas de ce que j’étais, elle réclamait toujours plus de bonnes notes, plus d’efforts, elle a voulu un autre enfant (« pourquoi ? je ne lui suffisais pas ? »), elle m’a mis en pension, elle m’enfermait dans le noir, elle a quitté mon père, elle a suivi un autre homme, elle est morte (« Et c’est peut-être ma faute »).
Et je ne parle pas des abus, des violences physiques, parce qu’on parle surtout de celles-là, et que là on est vraiment pas loin de la psychose.
Mais il existe les violences verbales, les mots, et celles-ci sont sous-estimées, mais elles comptent dans l’esprit d’un petit enfant, elles s’impriment : « Ses oreilles sont décollées, ses dents sont moches, il est plus petit que son frère, je n’avais pas envie d’avoir une fille, un garçon » dit-elle à une copine et, il a entendu, il en tire des conclusions erronées mais il est marqué, et il y a encore des choses pires, les erreurs de jugement de la mère, ou carrément des imbécilités parce que malheureusement les parents n’ont pas tous un QI de 100 et ils reproduisent ce qu’ils ont connu, et s’ils lisent, s’ils écoutent maintenant les conseils à la mode préconisés par des pédiatres, des psychologues, avant ils lisaient l’almanach Vermot … attention, parce que maintenant ils vont sur Facebook.
Le conjoint se retrouve face à une dépression qui le dépasse : « Quoi ! nous attendions la retraite, et tu regrettes ton boulot ! », « Quoi tu as tous ces diplômés et tu ne trouves pas de travail », « Quoi, tu t’enfermes alors que c’est le printemps ! ». Il faut du temps avant que le conjoint comprenne : d’un, qu’il n’y ait pour rien, de deux qu’il assistera au naufrage de son couple s’il perd pied face à la situation (je passe sur l’absence de libido, que de toutes façons les médicaments vont finir par tuer).
« Qu’est-ce-qui va nous sauver ? » se dit-il. Un, la patience, deux, l’humour, trois, les copines (copains), mais surtout pas leurs conseils ! Entendre des choses du genre : mon (ma) povre « sort de ton côté, sinon tu vas sombrer », « il vaut mieux être seul(e) que mal accompagné(e) », « et bien moi, je suis tranquille » etc. N’espérez pas de réconfort, toutes les réactions sont égocentrées, la (le) célibataire est presque content(e) que ce soit vous , enfin , qui en soyez là, depuis qu’on vous voyait si bien. C’est tout juste s’ils ne vous accusent pas d’être responsable de l’avoir étouffé, trahi, ou au contraire délaissé (du moment que ça peut être de votre faute). Et, on s’étonne que tant de couples éclatent.
Même lors du deuil d’un enfant, la mère qui sombre n’a pas la même réaction que le père qui finit assez vite par vouloir s’échapper de la souffrance inépuisable de sa compagne, finissant par s’ en écarter. Il passe à autre chose*, elle, elle s’enferre, et elle s’enferme, parce que ce n’est pas pareil. Elle s’accuse, elle se demande où elle a fauté, et même pourquoi elle a voulu enfanter, si c’est pour payer un tel prix : la peine de mort. Les hommes et les femmes sont différents, l’égalité ni fera rien, ce n’est pas une question éthique, c’est une question physique : cet enfant qu’elle a voulu (car on veut maintenant, ça n’est pas un hasard, jamais), elle ne l’a pas suffisamment assisté. Attention, des psys diront que c’est peut-être le contraire : elle ne lui a pas laissé assez d’autonomie… l’un dans l’autre, on reproche toujours quelque chose aux mères, ce sont elles, les fautives (normal, leur pouvoir dans les premiers temps est énorme…).
Si son enfant est dépressif : elle ne l’accepte pas, c’est un échec personnel : « tu devrais, tu aurais dû, si tu m’avais écouté…). Sa culpabilité est cachée par sa colère, qui en fait est une expression de la souffrance qu’elle ressent face à la souffrance de son enfant, et qui lui est intolérable.
La dépression ne prévient pas, elle arrive mais elle est invisible, ce qui fait qu’on ne plaint pas la personne (ce n’est pas une jambe cassée, ni une maladie mortelle… quoique). Elle est tellement disqualifiante, que les gens préfèrent parler maintenant de burn-out , alors qu’il y a certainement plus de dépression, que de fatigue due au travail : des dépressions liées au manque d’intérêt pour un travail répétitif, inintéressant, ennuyeux, mais au moins là, c’est respectable : on est déprimé pour quelque chose de valorisant puisqu’on a travaillé. Tandis que la dépression classique fait figure de maladie de paresseux : « Comment tu es dépressif à 36 ans ! Tu as la vie devant toi, tu as fait des études, tu est beau, en bonne santé .. ».
Accepter que la dépression soit une longue maladie dont on ne guérit peut-être jamais totalement, parce que les racines sont trop profondes, est le premier pas vers une amélioration par une thérapie, s’ajoutant à une meilleure connaissance de soi, en faisant le décryptage des facteurs antérieurs, en prenant la patience de dénouer les circonvolutions du labyrinthe de l’inconscient, pour leur faire face un jour et, les mettre à la place qui leur revient… dans l’oubli total.
* les somatologues ont noté que les pères en deuil finissent souvent par avoir un cancer des testicules, parce qu’ils ont souffert sans le manifester, l’extérioriser.