Chacun vit son manque : le manque d’amour, le manque de mère, le manque de famille, le manque d’enfant, le manque d’amis, le manque de compagnie, le manque d’argent pour combler « des désirs qui amènent d’autres désirs, Foule sentimentale », mais qui ne comblera jamais le manque, le vide, l’impression d’insécurité, de n’être rien : pas identifier, pas reconnu, pas ceci ou cela, trop ceci ou cela. Les parias de la société eux veulent au moins manger, se vêtir, se protéger de la pluie, du froid.
Ils envient les autres, ils veulent ce qu’ont les autres, qui semblent bien plus heureux qu’eux et qui le sont parfois, mais pas toujours. Car eux aussi connaissent le manque : « quand j’étais petit ma mère préférait mon frère, ma sœur, plus doué(e), plus beau (belle), plus drôle, plus… que moi ».
Quand maman meurt, les cauchemars la nuit, ramènent le besoin. L’inconscient se rappelle, et ne laisse pas en paix. Alors, l’argent , là, à quoi ça sert ?
Ils se droguent , c’est cher, mais ils ont les moyens, les pauvres… et la drogue est de moins en moins chère : on leur donne d’abord ! Autrefois, il y avait le plus souvent la boisson, le vin, la gnôle. Ceux de 14 reniflaient l’ether pour oublier le bruit des bombes et la vue des copains morts, ou la souffrance d’une vieille blessure.
Et ça recommence… et ça recommence : la peur, le sentiment d’abandon, la solitude, le manque de vrai père, de vraie mère : pas celle qu’on a eu, qui giflait, donnait des coups, buvait, ou préférait sortir, le manque de père, disparu un beau matin, pour aller fonder une autre famille et, dont on cherche l’adresse des années après.
Une humanité qui ressent le manque, se jette dans les abus, les mensonges , les faux semblants, pour avoir un instant l’impression d’exister en tant qu’individu unifié. Et comme elle avance comme une seule bête, elle fonce sur ce qui semble donner un espoir : une idée, un groupe, une lumière dans le noir, et de course en course, éperdue, elle plonge encore plus, dans un abîme de désespoir.
Prométhée a amené la lumière, celle du feu, mais le feu allume aussi les incendies…