Nous allions souvent au théâtre Politèama à Nice, où l’on jouait une revue.
De nos jours, ces revues n’existent plus. On présentait au public, plusieurs sketchs, des scènes de satire contre la ville ou l’état, ou bien des scènes comiques de disputes entre partisan d’une joie et l’autre d’une peine, ces scènes étant accompagnées par des chansons sur des airs connus.
Il y avait de très bons artistes, dont je me souviens bien, Max Ariste long et maigre, et puis Royal, un petit boulot, à la Laurel et Hardy ; une femme Marie Laquet leur donnait souvent la réplique ! Enfin il y avait toujours dans une revue, le compère, un homme élégant et raffiné avec sa jolie compère, qui présentaient la revue en chantant en même temps.
Nous avons vu ces revues avec ma sœur, une bonne vingtaine de fois durant notre enfance. On retranchait ou on ajoutait une scène de temps en temps pour varier, mais le principe était toujours le même. Ma sœur et moi chantions tout par cœur.
Comme je dessinais, je confectionnais en carton peint , des marionnettes représentant les artistes en costumes, et je fis un théâtre en bois et carton avec scènes et rideaux, et nous donnions des spectacles pour les amis du quartier, avec chansons. J’ai toujours aimé dessiner et, lorsque j’avais un ou deux sous, j’achetais un tube de carton avec quatre couleurs chez la mercière, et de bonne heure, je me suis mis à dessiner et à peindre les soldats de cette époque avec leur képis, les pantalons rouges et la vareuse bleu, pour commencer.
Ma sœur qui avait une belle voix, chantait les chansons de la commère, des artistes féminines, et moi, je faisais les autres artistes. Nos amis étaient contents de passer une bonne après-midi : il y avait les trois filles du boulanger, dont une s’appelait Nathalie, la fille du Vannier, qui était très jolie et, des garçons comme Antoine, un bon copain à moi. On avait tous environs huit ans.
Il y avait aussi au bas de notre porte d’entrée un marchand de vin, qui avait une fille de l’âge de ma sœur, et un garçon Jean Piano qui était devenu mon copain bien que plus âgé, peut-être à cause de Betty, qu’il avait l’air d’admirer.
Piano et moi , avions le même gout pour le dessin et la peinture, et nous peignons souvent des fleurs et des paysages, tout cela se passant dans l’arrière-boutique des parents, ou dans la cours, sous les yeux méfiants du concierge Pronto. Ce type avait la barbe tordue qui ne parlait que l’italien, était cordonnier et, souvent, réparait nos chaussures, mais il était très coléreux et malheur à qui venait faire du bruit dans l’escalier.
Un jour nous avions peint à l’huile toutes les tables et les chaises du bistrot des Piano, ce qui ne lui plaisait pas !
Le bistrot des Piano était une boutique ordinaire pour ouvriers qui sortaient du travail, et de temps en temps, on les entendait jouer. Jean Piano était le béguin de ma sœur, mais plus tard quand elle eut des formes , il eut un rival qui était le fils du menuisier Lupicino ; aussi un jour , avons-nous vu les deux s’empoigner en se frappant férocement, le pugilat finissant dans le ruisseau du trottoir, or il faut dire que les bords des trottoirs, n’étaient pas propres comme aujourd’hui de sorte que les deux antagonistes, s’étaient relevés tout trempés et tout sales, à cause de Betty. Ils étaient toujours plein d’eau sales , les eaux de nettoyage des trottoirs, des lavages des magasins, ou de tonneaux de vin.
* les noms et certains prénoms ont été changés