20- La guerre de mon grand-père : c’est fini !

« Après des voyages en camions à travers diverses contrées dévastées, me voilà dans les pays qui ont moins souffert, cette fois j’ai demandé de passer dix-sept-jours à Nice et, trois jours à Paris ;

Durant ma permission , rien ne se passe comme prévu, mais avec la joie de savoir que la guerre est finie. J’envoie de bons souvenirs à mes connaissances de passage, et je passe trois jours avec Gaby avec qui je vais faire plus ample connaissance.

En retournant de ma permission, je pensais, comme tant d’autres, que nous allions faire de l’occupation, mais non ! Au moment de rejoindre mon unité, on me dit que mon régiment est en route pour le dépôt qui est au Mans et, on me dirige vers cette ville où j’arrive bien avant ma batterie.

J’ai la chance de rencontrer mes anciens camarades et, je me dis que vue mon instruction le capitaine trésorier, cherchant un secrétaire comptable, je me mets à son service. C’est un bon boulot, c’est moi qui établis les bons de viande, de pains, de toute la boustifaille … Et qui établit la paie des officiers. Je suis libre de circuler en ville comme je veux, j’ai un permis permanent.

Un jour, on annonce l’arrivée de quatre batteries, venant du front dont la mienne, cela m’inquiète un peu, car ils sont fichus de me réclamer, surtout que ma batterie n’est plus commandée par le capitaine Saclier, mais par le capitaine Plat. Aussi je profite de ma libre circulation en ville pour aller en même temps surveiller le ravitaillement, et assister à l’arrivée de la batterie : c’est une joie de voir tous mes copains sur les caissons, et sur les chevaux, fêtés par la foule

Je suis là en tant qu’assistant, les copains me saluent avec joie : « Hé Jean, hé jean ». Enfin ils rentrent au quartier et, vont vivre la vie de quartier qui n’est pas toute rose pour le soldat. Mais moi étant maintenant « plus » que gradé, je vais essayer de conserver ma place et, prendre les devants en parlant au Capitaine trésorier, qui m’aime bien car je lui suis déjà indispensable, ayant vite pris la routine de la trésorerie.

Je ne m’étais pas trompé sur les intentions du lieutenant Plot, il aurait pu m’oublier,  mais non ! Comme je suis bien ami avec les poilus du bureau de la batterie, entre autres le nommé Kahn de Paris et Gaillant, puisque nous allons diner ensemble à la cantine, tout deux m’apprennent que le lieutenant Plat a fait paraitre une note, disant que le canonnier Jean C. devait quitter la Compagnie Hors rang et, rejoindre sa batterie.

Je ne perds pas de temps, et vais annoncer la nouvelle à mon capitaine-trésorier en regrettant de le quitter. J’ai bien fait, car mon capitaine monte sur ses grands chevaux, en me disant que  je ne dois pas bouger d’ici, que je lui suis indispensable : « Laissez-moi faire, je m’en charge ! Laissez paraitre la note, j’y répondrais ! ».

En effet, la réponse du capitaine est catégorique : « le premier canonnier Jean C. est devenu indispensable à la trésorerie, il a fait un stage assez long pour se mettre au courant et est doué pour ces calculs  ; je garde ce canonnier dans mes bureaux, et à partir de ce jour il est nommé 1er canonnier titulaire de la Compagnie Hors rang

Mon capitaine m’appelle et me fait lire sa note – réponse, en me disant : « Vous voyez, vous n’avez plus à vous inquiéter de me quitter, je vous garde, et je vous demande d’apporter vous-même cette note signée du commandant , au bureau de votre ancienne batterie. »

C’est ce que j’ai fait, les copains n’en revenaient pas, je n’ai jamais vu la tête qu’a fait le lieutenant Plat en lisant cette note : c’est dommage…

Depuis, je l’ai revu puisque c’est moi qui payait les officiers, aussi se montre-t-il bon enfant !  » Ah ! c’est vous Jean, vous vous plaisez donc ici ?  Oui, mon lieutenant ! « . Quant aux autres officiers, ils plaisantent avec moi et m’appellent toujours le « capitaine Grinchard », de la pièce qu’il m’ont vu jouer au front. 

Cela fait dresser la tête aux autres secrétaires, entre les quelques femmes qui sont ici, car dans ces bureaux, il y a plein de femmes  secrétaires et dactylos, toutes aux ordres du Margis, mon copain,  et de moi…bien entendu !

La vie de quartier est ordinaire et monotone, au Mans. Mais j’ai passé tous mes dimanches avec Gaby, ma marraine de Paris pendant mon séjour  ! Il n’y avait qu’un départ pour Paris le samedi à minuit-trente : étant libre avant j’allais passer ma soirée au cinéma  et, je prenais le train à la sortie du film. Comme ces trains étaient toujours bondés, je finissais ma nuit en dormant debout dans le couloir, appuyé sur la barre d’appui de la vitre, et, cogné de temps en temps par les passants du couloir et, j’arrivais à Paris à cinq heures du matin, le dimanche. 

Je prenais un bon café pour me réveiller, dans le premier bistrot ouvert en sortant de la gare, où j’attendais l’heure raisonnable pour aller voir Gaby. Heureusement, que je passais une agréable journée, car je repartais le soir à cinq heures, pour arriver au Mans à dix heures…épuisé. Si je raconte des passages de ma vie privée, c’est parce que ce fut ma vie jusqu’à la démobilisation.

Cela a duré presque un an, car j’ai été démobilisé le 27 septembre 1919. C’était une belle journée : on ne peut imaginer ce qu’est la démobilisation pour un homme qui a passé plus de trois ans et cinq mois au régiment, dont deux ans et deux mois de guerre au front.

A notre démobilisation, nous touchons un pécule de quoi nous aider à rentrer dans le monde, on nous donne un costume civil, qui ressemble étrangement à un uniforme et que je refuse, cela m’octroie cinquante-deux francs, mais c’est le temps où le vin vaut cinq sous le litre.

J’arrête ici mes confidences et me voilà dans le civil : il va falloir penser à se fiancer, à se marier, se faire une situation, fonder un foyer, mon dieu que de problèmes ! Allons-nous regretter la vie militaire ? Non, car tout cela fait partie du boulot de L’HOMME LIBRE. »

*Le 11 novembre 1918, les poilus sortent des tranchées au son du clairon. L’armistice vient enfin d’être signé : c’est le cessez-le-feu. On assiste même à des scènes de fraternisation entre soldats français, allemands et britanniques, après 1 561 jours de guerre.

La fin du conflit est actée dans le train du maréchal Foch et des officiers alliés, dans la forêt de Compiègne. Aussitôt, à Paris, la foule en liesse envahit les boulevards. Les Londoniens se réjouissent eux aussi. La fête avait même commencé dès le 9 novembre à New York, tant la fin de la guerre semblait imminente.

En France, la joie est si grande que les festivités vont durer très longtemps. « On s’enivre, on danse… Le 13 novembre encore, on trouvera des groupes de Parisiens titubant dans la rue », raconte l’historien Jean-Yves Le Naour.

En Allemagne en revanche, c’est le chaos. Des mutins et les groupes communistes naissants tentent de prendre le pouvoir par la rue. Là-bas, « on crève de faim, littéralement. L’armistice, on n’en parle guère », décrypte encore l’historien.

 

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