Actuellement, le mot qui revient le plus souvent dans la bouche des gens de tous âges est colère, incompréhension, rejet, refus de voir le monde dans lequel on veut nous faire vivre : une adaptation est nécessaire, sinon indispensable. Le progrès n’en est plus un, puisqu’il nous impose de laisser les choses que nous aimions, les habitudes que nous avions, pour en adopter de nouvelles qui ne sont pas les nôtres (rouler en vélo, comme les peuples du nord par exemple). Les dénonciations de tous bords des horreurs de la société, la vision négative d’un futur qu’on espérait toujours meilleur, mais qui prend la couleur des idéaux restrictifs de prophétesses de malheurs, mobilise en nous une peur de ne pouvoir s’adapter à cette vision d’un monde décevant et mouvant.
L’égocentrisme s’accentue, resserre les protections contre l’extérieur, tant du point de vue affectif que matériel. La consommation remonte, le désir d’évasion avec : fuir ses ordres qui fusent, cette culpabilité , cette responsabilité, cette honte qu’on veut nous faire porter , rejeter les injonctions des uns et des autres, et finalement éviter le désordre qui irrémédiablement va s’ensuivre.
Comment fonctionne l’ enfant intérieur , celui qui est resté en nous ?
» Au début, l’enfant jette le jouet, puis le rapport avec le bras et le doigt montre la voie. L’enfant digère alors psychiquement l’objet inconnu. Le même phénomène s’observe alors chez l’adulte à qui on expose une idée nouvelle et qui déclare qu’il doit digérer cela avant de s’y faire.
L’approche intellectuelle est un processus d’identification, qui fournit la base instinctive de la compréhension et de la connaissance, et qui veut dire que nous ne pouvons percevoir le monde extérieur , que comme une chose non totalement différente de notre moi. L’enfant ne peut se familiariser avec ses jouets, les animaux, les phénomènes de la nature, les adultes, qu’en s’identifiant avec eux.
L’identification est une fuite (ou une approche) du monde extérieur en assimilant une partie toujours plus grande de ce monde extérieur, à notre Moi, en se familiarisant avec des choses que « l’enfant en nous » trouvait primitivement (parfois, mais pas toujours) désagréable.
Si un enfant se familiarise avec un objet, ce n’est pas parce que cet objet ressemble à quelque chose qu’il aime, mais parce qu’il a réussi, grâce à son instinct, à identifier la chose étrangère avec une chose familière et, à la prendre en affection. Ainsi donc, l’identification est la base commune aussi bien de l’affection que de la compréhension , qui serait inconcevable sans elle.
L’affection ne se limite pas à l‘identification, elle est en rapport avec la satisfaction instinctive immédiate, et suppose qu’on puisse faire la séparation entre le « moi et le non moi ». Elle est précédée par la colère, ou par l’expérience qui nous apprend que ce qui nous donne des satisfactions est un « objet » (dans ce cas il s’agit d’un être vivant) étranger appartenant au monde extérieur, et pour qu’une pareille affection puisse naître en nous, il nous faut apprendre d’une part à supporter une certaine dose de souffrance, d’attente et de désir, en échange de la satisfaction que nous recevons.
Lorsque nous avons peur du chagrin susceptible d’accompagner l’affection, nous pouvons faire appel à l’identification, plus primitive, comme forme de rapport : ce n’est plus l’étrangeté de « l’objet », mais son caractère désagréable qui fait qu’il n’est pas à notre portée, en ce cas, le but est, non plus de nous familiariser avec lui, mais de le remplacer. Si je deviens « l’objet », que je ne peux avoir, je serais heureux : la femme désirée est remplacée par une revue de Play boy sur laquelle on fantasme, un homme est remplacé par le sex toy.
Masturbation mentale et masturbation physique – onanisme – sont les ersatz de notre incapacité à communiquer, à accepter la souffrance que l’autre peut produire, en se refusant à nous. « Cela commence durant l’enfance par suite des complexes « de castration », et du complexe « d’œdipe », périodes au cours desquelles , l’enfant connaît un grand nombre de déceptions et d’humiliations.
Premiers bonheurs, et premières souffrances : on reste dans une situation de souffrance parce qu’on n’a pas l’objet de nos désirs. Ici le narcissisme est trop fort. On a éprouvé de la sympathie pour une personne parce qu’elle nous ressemblait et on s’est identifié à elle, mais elle nous déçoit, on retombe dans notre solitude et il faut prendre garde de ne pas tomber dans un syndrome d’abandon, dont cette personne sera tenue pour responsable (cela commence par la personne qui joue le rôle de la mère) si l’on n’est pas résilient, si l’on n’assimile pas la souffrance comme faisant partie de nous, de façon à cicatriser par un processus naturel de narcissisme primitif, utile dans ce cas.
En ce qui concerne la souffrance de la maladie, quelle qu’elle soit : le malade abandonne son moi, il l’offre à son entourage, qu’il rend responsable de ses souffrances. Cette colère est ici un mécanisme de projection (on parle des 5 étapes du deuil), car « ce qui nous fait mal, nous ne voulons pas le considérer comme une partie de notre moi, et c’est pourquoi nous essayons de trouver le mal ou du moins sa raison, en dehors de nous ».
« Ainsi dans la formation des rapports entre le moi et le monde extérieur, c’est l’identification et l’amour qui jouent un rôle décisif, c’est l’amour qui se trouve le plus loin du but primitif, c’est lui qui demande l’adaptation la plus considérable au monde extérieur, c’est lui qui ouvre la plus grande brèche dans le narcissisme qui ne peut supporter l’existence d’autres êtres, qui le rendent impuissants et qui lui font désirer soit de s’en évader, soit de les détruire. »
Au niveau astrologique, l’axe de l’identification est l’axe AS/DS- I/VII- et l’axe des signes Bélier- Balance, qui peut se trouver ailleurs dans le thème.
D’après l’introduction au livre « L’identification »d’ Alice Balint