Ceci est un exemple donné par un docteur montrant le rapport entre une situation actuelle, incompréhensible, et des histoires familiales non explicitées qui se transforment en trouble. Personne n’est fautif, puisqu’on ne raconte pas tout aux enfants car cela ne les regarde pas mais néanmoins, ce n’est pas sans incidence.
« Le trouble de somatisation entre dans la catégorie des troubles caractérisés par des symptômes physiques, dont l’origine est mentale et correspond généralement à des atteintes physiques provoquant des plaintes douloureuses d’ordre sexuel, neurologique ou intestinal.
Une recherche a également démontré un lien entre le trouble de somatisation et de la personnalité.
Ils peuvent également présenter des difficultés sociales voire professionnelles.
La pratique d’une thérapie cognitivo-comportementale (TCC) reste le traitement le plus adapté pour enrayer un trouble de somatisation.
Annie a 35 ans, elle est venue consulter pour un état anxio-dépressif : depuis le jour de l’anniversaire de ses 30 ans, elle présente des symptômes de dépression avec angoisses et anorexie. Elle colmate cet état dans l’hyperactivité et exerce sans limites sa spécialité médicale.
D’emblée elle situe sa problématique comme centrée sur la question de la maternité : elle ne peut pas « concevoir d’être mère », dit-elle.
Un secret émerge dans les toutes premières séances : quand elle était adolescente, sa mère a été hospitalisée en gynécologie, sans qu’elle en ait su la raison. Elle a imaginé l’existence d’un cancer, dont sa mère aurait voulu la protéger en n’en disant rien.
Lors de ses études de médecine elle a fait un stage dans ce service et a consulté le dossier de sa mère : elle a alors appris que sa mère avait fait une IVG, puis avait subi, trois ans plus tard, une hystérectomie.
Depuis ce jour, elle porte ce secret et se retrouve dans la position de savoir quelque chose qu’elle n’est pas supposée savoir et qu’elle a « volé » dans un dossier médical.
Annie s’est mariée récemment avec un homme qu’elle connaît depuis des années, lors desquelles ils vivaient séparés géographiquement. Elle a alors accepté de venir le rejoindre dans sa région et y a installé son cabinet. Depuis leur installation dans une nouvelle maison plus grande, ils n’ont plus de relations sexuelles.
Six mois après le début de la prise en charge, Annie va mieux, mais à l’occasion d’une interruption liée aux vacances d’été, elle retombe dans un état dépressif qui l’amène à retourner voir le psychiatre qui la suit ; il nomme la problématique autour de la séparation et de l’abandon, puis lui prescrit des antidépresseurs qu’elle accepte pour la première fois. Un lien est établi avec le fantasme de rejeter/tuer l’enfant au moment de la naissance : donner la vie, c’est donner la mort, ce qui la ramène au fantasme de la mère mortifère.
Deux mois plus tard Annie est de nouveau très mal et j’apprends qu’elle a arrêté brutalement le traitement par antidépresseurs. L’analyse de ce passage à l’acte aboutit à son désir de vérifier si l’amélioration qu’elle ressentait était due à elle-même et à son travail psychothérapique ou aux ATD…
Par deux fois, avant et après son mariage, elle a quitté son mari et est partie s’installer à l’hôtel, dix jours la première fois, moins longtemps la deuxième. Seule dans sa chambre d’hôtel elle s’est sentie abandonnée, elle comprend qu’elle agit la séparation en réponse à une angoisse d’abandon…
Après neuf mois de thérapie elle décide d’aller voir ses parents pour leur parler. Elle leur dit qu’elle connaît le secret, et comment elle l’a su. Le père lui répond que cette IVG a représenté un traumatisme pour lui et manifeste son émotion. La mère lui raconte son histoire :
Un mois après son mariage, à 24 ans, elle a subi l’ablation d’un ovaire en raison d’un kyste. Elle a éprouvé une grande inquiétude, se demandant si elle serait capable d’avoir des enfants. La naissance de sa fille, Annie, l’a rassurée, puis elle a eu un deuxième enfant, un garçon né prématurément le jour de l’anniversaire de son père. Elle désirait un troisième enfant mais se l’est interdit en raison de leur situation…Une fausse couche est ensuite intervenue pendant un séjour en France.
De retour en France, elle a de nouveau été enceinte et l’échographie a montré un kyste sur l’ovaire (peur du cancer), ce qui a provoqué une panique qu’elle a transmise à son mari… :cela l’a amenée à prendre dans la précipitation la décision de recourir à une IVG. Trois ans plus tard elle a subi une hystérectomie pour endométriose.
Après avoir entendu l’histoire de sa mère Annie lui expose qu’elle-même ne peut pas faire d’enfant et la mère lui réplique alors : « Va te faire soigner ! » « J’ai ressenti cette phrase comme une condamnation », commente Annie dans une grande émotion. La possibilité d’un cancer, imaginé par la fille, était donc aussi présente dans le fantasme de la mère. Annie comprend maintenant ce recours à l’IVG comme un passage à l’acte, dans la panique.
De plus, faire un enfant équivaut à se mettre en danger de mort, et l’on voit comment toutes les angoisses de la mère ont été transmises à la fille dans le non-dit.