Ce texte est une initiation aux mystères cachés de notre patrimoine.
« Le village de Saint-Crépin, dans le pays des Écrins – Hautes Alpes – et son église
La commune est nommée Sanctus Crispinus au XIème siècle, Castrum Sancti Cripini en 1210, Sanctus Crispinus en 1238, Saint Crespin en 1762 (État des paroisses). Sous la Révolution (1789-92) le village porte le nom de « Les Ravins ».
En 1836, lors de la construction d’un chemin vicinal, on a découvert à Chanteloube (dans un hameau), un squelette avec des anneaux de bronze passés à l’une de ses jambes, probablement du premier âge du fer (environ 600 avant notre ère).
Près de l’Église Vieille, découverte au siècle dernier de tombes datant du début du christianisme (environ 400 de notre ère). Il y a un passage de la voie romaine à Chanteloube, un hameau voisin.
Ce « village-escargot » posé sur un promontoire rocheux, a une histoire particulière, qui remonte aux Ligures et aux Celtes, qui semblent avoir cohabité ici dès le VIIIe siècle
Notre-Dame de St-Crépin : Saint-Crépin et Saint-Crépinien sont les patrons des cordonniers, dans le village on vit s’installer de nombreuses tanneries, et donc des échoppes de cordonniers.
Sur sa petite place, c’est finalement l’église qui raconte le mieux l’histoire de son village : cette grande église fut consacrée en 1452.
Une église existait déjà au XIe siècle, l’Église Vieille, construite à 500m sous le village, il ne reste que le Chœur et la base du clocher.
Bâtie au Ve siècle sur les restes d’un Temple païen, on y trouve des sculptures gauloises, notamment la double spirale, symbole de la vie, du temps qui passe, du commencement et de la fin de toute chose…
Mais revenons à notre église du XVe : c’est à l’instigation du Dauphin Louis XI qui constate le délabrement des églises paroissiales, à l’Archevêque qui veut imposer la puissance de l’Église Catholique face aux Vaudois*, et à l’importance de la population liée au rôle d’étape du village, que l’église actuelle va être construite.
1488, l’église est témoin de l‘abjuration des Vaudois*, sur la place, en présence de Alberto Cattanéo, inquisiteur.
1581, Lesdiguières, Capitaine de l’Armée protestante, fait incendier l’intérieur de l’église. Tout le mobilier médiéval va partir en fumée, mais l’église tient bon.
1629, une épidémie de peste voit la création de la Confrérie des Pénitents Blancs, qui aide à l’ensevelissement des morts. Un tableau daté de 1629,(voir plus bas) représente la Pentecôte, (de petites boules de feu tombent du ciel sur les Apôtres réunis autour de la Vierge), on a représenté deux Pénitents Blancs.
1692, le Duc de Savoie investit l’église, met le feu au clocher et se saisit des cloches. Il brise les autels et emporte les archives !*
1789, la Révolution transforme l’église en grange à foin pour les armées d’Italie. Le culte est suspendu jusqu’en 1805 (rappelons que Napoléon disparait en 1815 du paysage politique, remplacé par la restauration pour finalement arriver à Napoléon III sous la deuxième république en 1848. En 1850, rachat progressif de nouveaux objets du culte.
En 1931, l’église est classée Monument Historique, 1982, début de la restauration
Les contraintes du maitre d’oeuvre lors de la construction
La forme étroite de l’église (38 m de longueur pour 11 m de largeur) et la hauteur du clocher (environ 35m) résultent des contraintes auxquelles était soumis le Maître d’œuvre – Ne pas bâtir sur le « Rocher de Ville » où se trouvait le château, difficile d’accès,
– Réaliser un clocher très haut et l’intégrer au système de défense,
– Supprimer le transept et renoncer à l’orientation à l’est…*
Mais l’architecte nous a laissé plusieurs messages cachés :
– le symbolisme dans les dimensions et leur expression aux mesures du XVe siècle : le nombre d’or * s’y trouve plusieurs fois.
– le symbolisme des chiffres : 3 (Dieu-la trinité), 7 (Perfection humaine), 6 (Harmonie), 8 (Christ), 9 (Perfection divine ou Paradis) …
– le symbolisme de la lumière * qui entre par l’œil-de-bœuf sud et agit comme un projecteur : le faisceau éclaire l’axe de l’ouvrage le 21 Juin et la face nord, le 21 Décembre ; d’autres rapports existent pour les équinoxes et le 15 Août *
A l’époque des débuts de la nouvelle religion catholique, les anciennes « croyances » étaient encore bien ancrées et les architectes n’ont pas voulu tourner le dos à des croyances astronomiques (ou astrologiques) plusieurs fois millénaires, bien qu’elles soient condamnées par l’Église de Rome.
– L’Église avec un grand E est considérée comme la mère de tous les chrétiens, à cet égard tout le symbolisme de la mère lui est applicable.
-Le symbole de la double spirale sur le pilier est un peu semblable au symbole de l’infini gréco-latin que nous connaissons comme le 8 couché à la différence que la ligne ne se rejoint pas, il n’y a donc pas de notion de continuité, mais évolution !
– Le soleil et la lumière sont au cœur des cultes antiques. Les égyptiens ont tenu compte de tout ces facteurs dans la construction des pyramides ainsi que Le symbole de la lumière avec l’œil d’Horus (voir article sur le blog) comme unité de calcul liant le spirituel et le matériel.
En Astrologie, en général nous orientons l’ascendant zodiacal à l’Est (à gauche) l’ascendant indiquant 6 h. Ici dans cette église le symbolisme de la lumière a été récupéré grâce à l’œil de bœuf , c‘est la même idée et ce fut fait sans doute à l’insu des commanditaires.
Le nombre d’or : la particularité algébrique du Nombre d’Or est dans l’équation Phi² = Phi + 1, et la solution de cette équation est Phi = (1+√5)÷2 ≈ 1,618 034… Ce Nombre est irrationnel, en cela qu’aucune division de nombres entiers ne peut l’égaler : Concrètement, cela veut dire que l’on peut construire le nombre d’or Phi avec un bâton et une corde, aussi ce procédé simple a-t-il beaucoup servi aux architectes des cathédrales : On traçait un cercle dans le sable et on retrouvait la proportion avec des bâtons bien droits.
– Le clocher pouvait servir de tour de gué pour voir arriver les ennemis et alerter grâce aux cloches (d’où le feu), preuve que toute tour sur un édifice peut être à double fonctions.
– Les pénitents blancs se dissimulaient pour se protéger, mais également pour l’anonymat, la confrérie religieuse formée de laïcs s’engage clairement dans l’assistance aux malades et aux déshérités.
-La pentecôte est très « païenne » dans son expression puisqu’on dit que l’Esprit saint descend sur les apôtres sous la forme de boules de feu, cela rappelle que Moïse trouve un buisson ardent sur le Sinaï lorsque « dieu » s’adresse à lui pour lui donner les tables de la lois. La parole de dieu vient toujours du ciel par des manifestations d’orage, de foudre et d’éclairs, ce qui nous rappelle les dieux païens.
-Le symbole de la Vierge Marie l’est tout autant : on dit qu’ elle est le rappel de toutes les déesses de l’antiquité et même qui précède l’antiquité grecque et romaine,
– Les archives paroissiales sont précieuses puisqu’elles contiennent les registres des naissances, mariages et décès avant la Révolution de 1789.
-La Croisade contre les vaudois de 1488 fut un massacre perpétré lors de la répression religieuse conduite en par l’inquisiteur Alberto Cattaneo , mandaté par le pape à la demande de l’archevêque d’Embrun, tentant de purger de l’hérésie vaudoise les vallées.
-En 1692, l’invasion du Dauphiné s’achève au bout de moins de deux mois mais elle fait beaucoup de dégâts. Dès le 27 juillet, après le passage du col de Vars, l’avant-garde formée de réfugiés protestants procède à des pillages et à des incendies. Embrun est épargnée, peut-être à cause du titre de « prince de l’Église » dont peut s’enorgueillir l’évêque d’Embrun mais Gap est pillée et incendiée : sur les 953 maisons de la commune, 798 sont détruites.