Cette affaire fut une tragédie, et montre à quel point l’idéologie de la guerre a subsisté bien après celle-ci, n’en finissant pas de causer des souffrances.
En Argentine, pays qui a accueilli les nazis en fuite, quatre juntes militaires se sont succedées jusqu’en 1983. Le régime fut responsable de la mort ou de la disparition de
30 000 personnes (les desaparecidos), de l’exil de millions d’Argentins et de la guerre des Malouines avec la Grande-Bretagne.
Nombre de militaires étaient proches du nazisme, certains obligeant ainsi les desaparecidos incarcérés dans les centres clandestins de détention à écouter des discours d’Hitler ; l’un des tortionnaires, Jorge Oliveira, devint par la suite l’avocat de l’ex-SS Erich Priebke.
Les grands-mères de la place de Mai (Abuelas de Plaza de Mayo) sont une ONG fondée en 1977 en Argentine, un an après le coup d’État de mars 1976, dans le but de retrouver les enfants volés par la dictature militaire et de les rendre à leur familles légitimes. Elles ont elles-mêmes été frappées par la répression, avec notamment la séquestration et l’assassinat, à Lima, en 1980, de *Noemí Gianetti de Molfino par le Bataillon d’intelligence 601 : cette grand mère demandait de faire la lumière sur les disparitions de son fils et de sa belle-fille.
Les victimes étaient des étudiants, des syndicalistes, des idéalistes épris de justice sociale. Ils étaient jeunes, la plupart entre 18 et 20 ans, et bon nombre d’entre eux avaient des enfants en bas âge, qui se sont ajoutés à la liste des disparus.
Dès le début de leur lutte, les Abuelas ont précisé que tant l’enlèvement des adultes que celui des enfants, répondait à un plan bien établi. En enlevant les enfants, on enlevait le présent, en enlevant les petits-enfants, on essayait d’enlever le futur. Elles ont compris également que l’enlèvement de ces enfants deviendrait, à la longue, un problème pour l’ensemble de la société.
Avec la collaboration de scientifiques et d’institutions internationales (Blood Center de New York University de Berkeley) les Grand-mères ont rendu possible aujourd’hui la preuve de la filiation d’un enfant à 99,99 %, même en l’absence des parents. Ce taux est appelé indice de abuelidad (taux de grand-maternité), en référence à la démarche de ces femmes. Le taux est établi au moyen d’analyses spécifiques du sang des grands-parents, des oncles et des frères et sœurs.
Les Grands-mères de la Place de Mai ont milité pour le vote de la loi 23.511, pour la création de la Banque Nationale des Données Génétiques, adoptée en mai 1987. La Banque abrite les cartes génétiques de toutes les familles dont un enfant a disparu. Aujourd’hui, la banque de données contient les portraits génétiques de 352 familles, soit près de 3000 personnes.
Les enfants étaient adoptés par les familles de militaires qui n’en avait pas et même leur domestique et élevés dans leur idéologie , ce qui n’est pas sans rappeler les « lebensborn » crées par les nazis durant la guerre (on sait que l’Argentine a accueilli les fuyards à la fin de la guerre).
Certains de ces enfants ont eu du mal a accepter la réalité lorsqu’ils l’ont apprise, car ils se disaient conditionnés par leur éducation, certains sentaient que quelque chose n’allait pas. Les ravisseurs sont en prison car l’Argentine a déclaré en 2005 inconstitutionnelles les lois d’amnistie des années 80 qui protégeaient les tortionnaires de la dictature,
Leur travail a permis d’identifier 1072 enfants kidnappés ou nés en détention durant la période militaire et clandestinement adoptés par les familles des militaires, policiers ou de proches du pouvoir.
Le putsch avait été soutenu par l’Église catholique, tandis que la junte reprenait la rhétorique national-catholique de la « Révolution argentine », entrelaçant les thèmes du rétablissement de l’ordre moral chrétien et de la défense de la « civilisation occidentale chrétienne », avec l’anti-communisme.
Ces groupes ont interprété la guerre froide en termes de « choc de civilisation » et leur action en termes de défense de la « chrétienté », considérant par ailleurs toute attitude de réforme ou de contestation comme symptôme du « mal communiste ».
Des penseurs de l’Inquisition ont même été utilisés par les théologiens néo-thomistes afin de justifier l’usage de la torture et de l’extermination des « infidèles ». Jusqu’à présent, l’Église s’est refusé à reconnaître son rôle dans la légitimation de la dictature et des crimes commis par celle-ci.
À l’issue de la condamnation, en octobre 2007, du prêtre Christian von Wernich, accusé d’avoir activement participé aux interrogatoires au cours desquels la torture était employée,* le cardinal Jorge Bergoglio (futur pape François) avait ainsi déclaré « si un membre quelconque de l’Église avait cautionné, par recommandation ou par complicité, la répression violente, il aurait agi sous sa responsabilité, pêchant ainsi gravement contre Dieu, l’humanité et sa conscience ».
Le père Ruben Capitanio, lui-même victime de la dictature, a été l’un des rares à avouer la responsabilité de la hiérarchie ecclésiastique.*
source wikipédia
*Le bataillon crée dans les années 1970 et fut dissous en 2000. Il est responsable des tortures, des disparitions et des assassinats (flight deaths). Actuellement on a ouvert les archives sous la présidence de Cristina Kirshner.
*Jorge Mario Bergoglio, né le 17 décembre 1936 à Buenos Aires en Argentine, est un homme d’Église, et selon la tradition catholique le 266e évêque de Rome et pape de l’Église catholique sous le nom de François depuis son élection le 13 mars 2013.Son attitude durant la dictature militaire fait l’objet de controverses : en 2000, il demande à l’Église argentine d’assumer son rôle durant la période de la dictature et l’appelle à la pénitence pour purifier sa mémoire. Mais en 2005, le journaliste Horacio Verbitsky, ancien membre des « Montoneros » devenu directeur du quotidien pro-gouvernemental Pagina 12 , reconnu au niveau international pour ses enquêtes , relance la polémique en publiant El Silencio . Verbitsky affirme notamment que le père Bergoglio a collaboré avec la junte et n’a pas cherché à faire libérer deux jésuites travaillant sous son autorité, Franz Jalics et Orlando Yorio .
Ces accusations sont reprises par une partie de la presse latino-américaine et internationales au lendemain de l’élection du Pape. Elles sont démenties par le Service d’Information du Vatican (VIS) le surlendemain ; le Vatican réitère ainsi les précédents démentis à ces allégations nées dans un climat anticlérical, arguant qu’elles n’ont jamais été concrètement fondées, qu’il a été entendu par la justice et qu’a contrario il existe de nombreux témoignages de personnes qu’il a protégées à l’époque de la dictature. Un des trois magistrats chargés de l’examen des accusations en 2011 explique après étude des éléments qu’« il est totalement faux de dire que Jorge Bergoglio [aurait] livré ces prêtres » et que, par conséquent, la justice l’a innocenté
* Selon le Père Ruben, sauf exceptions, l’Eglise « n’a pas tué mais n’a pas non plus sauvé les victimes, et se trouve ainsi responsable par omission de ces vies ».
Par son silence, elle a manqué à sa mission de « dénoncer la situation » d’illégalité qui était vécu pendant les années de dictature.
Qui plus est, en mai 1976, souligne le Père Capitanio, les autorités ecclésiastiques publièrent des « documents honteux » très « frileux » se voilant mesquinement la face devant la triste réalité.
Les évêques en vue comme le cardinal Aramburu, archevêque de Buenos Aires ou Mgr Pio Laghi, Nonce Apostolique (futur cardinal et papabile) entretenaient les meilleures relations du monde avec les généraux, sans même parler des bénédictions accordées largement aux pires exactions des militaires par Mgr Tortolo, l’archevêque en charge des armées.
Pour le Père Ruben Capitanio, dénoncer même de façon même virulente de telles compromissions n’est en rien une attaque à l’Eglise mais plutôt un service de l’Eglise.
Il est impossible de garder le silence sur des attitudes comme celle du Père Von Wernich, qui s’est résolument placé du côté des bourreaux et qui a commis ainsi un véritable blasphème..
source : site des éditions Golias
Mon commentaire :
Voilà trois fois -sans parler de de Pie XII, responsable de la fuite des serviteurs du nazisme- que l’Eglise élit des papes
Jean-Paul II, Benoit XVI, le pape François, très impliqués dans la politique,
Ne peut-on pas y voir une défense de ses intérêts, un remerciement pour services rendus ?